Mes premiers voyages en Inde remontent à mon enfance. J’avais alors dix ans et demi.
À cette époque, le tourisme international se diffusait à travers les documentaires et conférences de « Connaissance du Monde », projetés dans quelques salles obscures des banlieues des grandes villes. Parmi le public, une poignée de passionnés de découverte osaient franchir le pas — acheter un billet et partir vers ces terres lointaines encore peu connues.
Mes parents décidèrent donc de commencer leurs pérégrinations par l’Inde. Je me souviens que les sites touristiques étaient, dans l’ensemble, plutôt déserts, visités uniquement par une petite foule internationale. C’était dans les années 1970.
Dans les années 2000, alors que je passais une année en Inde, j’ai été témoin des débuts d’un nouvel engouement pour le tourisme chez les Indiens eux-mêmes.
Et aujourd’hui, nous voici en 2023, au moment où j’écris ces lignes, dans l’ère post-Covid.
Une chose est claire : le tourisme en Inde est littéralement en plein essor.
Les chiffres
En 2021, le tourisme domestique en Inde a connu une croissance de 11,05 %, passant de 610,21 millions à 677,63 millions de visiteurs !
Les États en tête en termes de fréquentation touristique intérieure étaient :
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Tamil Nadu avec 115,33 millions de visiteurs
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Uttar Pradesh avec 109,70 millions
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Andhra Pradesh avec 93,27 millions
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Karnataka avec 81,33 millions
Un exemple d’infrastructures à repenser
À la fin de 2022, nous avons organisé un voyage de pèlerinage sur les traces du Bouddha, et j’ai été à la fois surprise et préoccupée de constater que ce tourisme en plein essor est en train de saturer.
Saturer, parce que les infrastructures ne peuvent tout simplement pas faire face à un afflux aussi massif et soudain.
Prenons un exemple : le Pic des Vautours (Vulture Peak) à Rajgir.
Ce site est célèbre car c’est ici que le Bouddha a transmis son enseignement sur la Prajñāpāramitā à travers le Sūtra du Cœur, l’un des textes les plus renommés de la littérature bouddhiste.
Le premier télésiège y fut inauguré en 1969, mais cette installation longue d’environ 1 km ne proposait que des sièges individuels, transportant une seule personne à la fois.
Il devenait donc urgent d’agir, et en 2021, une nouvelle télécabine de 8 places fut inaugurée à ses côtés, permettant de transporter pèlerins et visiteurs sur un dénivelé d’environ 400 mètres.
Un investissement de 19 crores (environ 2,2 millions d’euros) a été réalisé par l’intermédiaire de Railway India Technical and Economic Services Ltd (RITES), missionnée pour ce projet.
Quant à l’ancien télésiège et à ses 101 sièges individuels — le plus ancien télésiège d’Inde — il est désormais destiné à recevoir le statut de patrimoine national.
Alors, quelle est la situation ?
Soyons honnêtes. C’est déjà « has been ».
Oui, mes mots sont durs, mais que dire d’autre d’une installation déjà surexploitée, où pèlerins et touristes doivent attendre deux heures de queue à peine un an et demi après son inauguration ?
Une fois sur place, le lieu est saturé. Pas un seul muret libre pour s’asseoir. Les escaliers qui serpentent entre les étals des vendeurs autour du temple sont bondés, envahis par une foule pressée qui se bouscule. Le magnifique stūpa blanc est littéralement pris d’assaut par des visiteurs curieux tournoyant dans tous les sens, à la recherche du meilleur selfie ou de la pose parfaite.
Heureusement, pour le pratiquant bouddhiste qui vient — comme ce fut notre cas — se relier à l’enseignement du Bouddha, le véritable lieu sacré du site, l’endroit précis où le Bouddha enseigna, demeure à l’écart des sentiers battus. Il n’est ni signalé ni remarqué et reste ainsi préservé de la foule, conservant son authenticité et offrant un espace propice à la méditation.
Mais qu’en sera-t-il dans les années à venir ?
11 % de croissance en 2021.
Les chiffres de 2022 ne sont pas encore publiés.
Quels seront ceux de 2023, 2024, 2025 ?
À Agra, les touristes prennent des poses ridicules en « pinçant » le Taj Mahal entre leurs doigts.
À Lumbini, nous avons même vu un panneau interdisant les vidéos TikTok — un panneau qui a dû être installé pour endiguer ces excès !
Le gouvernement a lancé d’importants investissements pour développer le tourisme. Des autoroutes se tracent dans toutes les directions, rasant maisons et bâtiments sur leur passage — un sujet que j’aborderai dans un prochain article.
Les sites bouddhistes font l’objet de fouilles et d’aménagements massifs, qui seront également traités dans un futur billet de ce blog.
Mais alors, comment gérer cet afflux massif de touristes ?
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Comment gérer des files d’attente interminables ?
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Comment faire face aux besoins de base, comme les toilettes ?
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Comment traiter les déchets jetés partout ?
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Comment prévenir les dérives futures telles que les graffitis et autres mises en scène destinées aux réseaux sociaux ?
Autant de questions, autant d’inquiétudes face à cette explosion — qui, bien sûr, apporte aussi du positif, puisque 32,1 millions d’emplois ont été soutenus par le tourisme en 2021.
Il n’en demeure pas moins que l’Inde vient d’entrer pleinement dans le tournant de la modernité, et que de nombreux défis sont sur le point d’émerger.
Heureusement, chaque visiteur perçoit rapidement la force exceptionnelle du peuple indien — sa capacité d’adaptation et son aptitude à embrasser le changement.
C’est pourquoi je reste confiante : des solutions seront trouvées et mises en œuvre, permettant à cette croissance légitime de se déployer en intégrant l’éthique, l’écologie et la logistique.
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